Sauckel; une barre de fer ...
rideau
L'occupant est de plus en plus menaçant. Les mesures antijuives se multiplient. Le service du travail obligatoire est promulgué en Alsace-Lorraine le 30 mai. L'adjoint d'Oberg réclame que la police soit confiée aux militants des partis pro-nazis. Il favorise une violente campagne de Doriot contre l'attentisme de Laval.
C'est dans ces conditions que le brutal et arrogant Sauckel, l'ancien docker de Harnbourg, arrive à Paris au début de juin.
- Les Allemands versent leur sang, les autres doivent donner leur labeur, dit-il à Laval. Il lui fait remarquer que depuis janvier 1942, il n'y a eu que 29 000 départs volontaires, qu'il ne demeure que 70 000 travailleurs français en Allemagne.
Craignant la réquisition, Laval donne des instructions aux inspecteurs du travail pour que soit intensifié le recrutement de volontaires et faciliter la tâche des bureaux de placement allemands. Sauckel n'est pas satisfait. Il le dit durement à Laval. Il exige 250 000 ouvriers dont 150 000 spécialistes de la métallurgie avant la fin juillet, sinon il procédera lui-même au recrutement.
Laval contre-attaque, clame que l'exigence dépasse les possibilités de la France, que le gouvernement y perdrait encore de son crédit. La demande de Sauckel, souligne-t-il, est un geste contraire à l'esprit de Montoire qui marquerait la fin de toute espérance de réconciliation.... Sauckel est inébranlable. Laval se bat avec une telle énergie qu'il se trouve mal. Il a une syncope.
Evoquant cet entretien pathétique, il parlera ainsi de Sauckel à Georges Hilaire :
Je t'ai dit que Goering était un lion. Ce n'est rien un lion. Avec un lion, il y a toujours moyen de causer. Mais va-t-en causer avec une barre de fer ! la barre de fer, c'est Sauckel.
Revenu à lui, Laval fait une proposition. Le marchandage toujours ! Il proteste de son souci d'aider l'Allemagne. Mais que celle-ci le soutienne en créant des conditions psychologiques favorables au recrutement. Tenez, je vous fais une proposition. Les campagnes manquent de bras. Libérez les prisonniers agricoles et les ouvriers partiront.
II développe son argumentation et conclut :
Je demande une libération pour un départ.
Sauckel est furieux, parle d'un marché de dupes. Laval insiste, dit qu'il démissionnerait si l'Allemagne faisait de la France une Pologne. Sauckel accepte de soumettre le problème à Berlin. La discussion avait duré huit heures.
Sauckel
Sauckel et Laval
discours de Laval
La négociation se poursuit en Allemagne entre Sauckel et Scapini. Finalement l'accord se fait sur la base d'un prisonnier pour trois travailleurs. Il est signé le 22 juin. La Relève est instaurée.
Pour l'annoncer au pays, Laval va prononcer un discours qui constitue un véritable suicide à terme.
Le 21 juin, alors qu'il achève de dicter sa déclaration, on introduit Achenbach, premier secrétaire d'ambassade.
Attendez une minute, j'ai presque fini.
Puis, tout à coup, il s'exclame :
Après tout, je veux qu'on sache mon sentiment. Ecrivez : Je souhaite la victoire de l'Allemagne parce que sans elle le bolchevisme s'installerait partout.
En réalité, il a voulu donner à l'Allemand l'impression de la spontanéité. Cette phrase qui pèsera si lourd devant la Haute Cour et lui vaudra la définitive incompréhension des Français, il en avait déjà parlé autour de lui. Initialement il avait écrit : Je crois à la victoire de l'Allemagne. Son entourage, Guérard, Rochat, Marion, s'en était inquiété. Je sais, avait murmuré Laval, mes paroles vont faire aux Français l'effet d'acide sulfurique sur des blessures, mais je les pense. Un de ses collaborateurs lui avait dit : Vous allez être couvert d'injures par tout le pays.
Et après ? Ou je réussirai et il n'y aura pas assez de pierres pour m'élever une statue ou j'échouerai et je serai fusillé. Que m'importe, puisque c'est pour mon pays ? Vous êtes tous des apprentis.
Rochat l'avait invité à soumettre son discours à Pétain. Celui-ci avait remarqué aussitôt :
Vous n'avez pas le droit de dire : Je crois à la victoire de l'Allemagne.
Rochat s'était réjoui, le Maréchal se rebellait. Hélas ! il avait poursuivi :
Vous n'êtes pas militaire, donc vous ne pouvez pas faire de pronostic sur l'issue du conflit. Vous n'en savez rien. Et le Maréchal avait admis que Laval dît je souhaite au lieu de je crois. C'était bien pire.
Le 22 juin, Laval parle à la radio, il prononce la fameuse phrase.
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